La sensation de vivre sans rien vivre.
Une sorte d'efficacité dans mes journées parisiennes. Le temps des errances semble révolu, même si l'errance est nécessaire je crois pour qu'il y ait ces sortes de rencontres intérieures, d'émergence créative. Dans le XVIII ème chez C. pour travailler sur des chansons, puis dans le quartier de la Madeleine chez R. pour d'autres chansons, au Pause-Café, à Bastille, ensuite pour ébaucher un scénario de film avec Yann et Claude, une infinité de pistes d'écriture lancées, une oeuvre au quotidien morcelée - et qui a toujours quelque chose d'irréductiblement personnel, pas de tricherie - en espérant qu'une des directions sera déterminante, du moins atteindra sa cible, produira un écho à la mesure de l'enthousiasme mis dans la création.
Paris est tellement chargé de souvenirs pour moi, et pourtant plus fuyant que jamais. Il y a quelque chose du mythe de Sisyphe dans cette ville. Et il suffit de marcher dans les rues pour comprendre que les gens sont soit agressifs soit usés soit pris au piège par l'incertitude des temps et de leur avenir comme des lièvres dans des phares de voiture. L'incertitude politique aujourd'hui ajoute sans doute au malaise crispant.
La seule échappatoire au spectacle de la misère tapageuse et du luxe criard, de l'indifférence et du laisser-aller, reste ces silhouettes apparues par miracle qui de temps en temps rappellent en un éclair le paradis d'un amour qui ne se fera pas, faute d'initiative, de concordance ou de temps, et produit cependant en vous un frisson extatique qui donne la sensation de vivre sans rien vivre.