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                                                                                AOÛT 09.

 

Pas de promenade pour les piscines creusées de larmes (01.08.09)

Majorette ennuitée, adulé Roussillon, (02.08.09)

Le ciel est agité et le quartier est calme, (03.08.09)

Dans le supermarché je chassais mon bourdon. (04.08.09)

 

Idiote saupoudrée d'azur et d'origan (05.08.09)

Noirceurs de labyrinthe, le passé de la foudre (06.08.09)

Traque la Maja nue, intensifie l'instant,

Kiss Kiss et sur tes lèvres rien qu'une trainée de poudre. (07.08.09)

 

Prairies bosselées de Montsouris, une cuillère de strychnine (08.08.09)

Eprise jusqu'à la mort de ses jambes le croisement 

Ici l'effet miroir produit ce qu'il intime (09.08.09)

Là, de sa robe noire ne sort qu'un croâssement. (10.08.09)

 

Stridente fille de la nuit que je chasse d'un trait (11.08.09)

Canette qu'on décapsule, gradins de Sainte-Maxime, (12.08.09)

C'est le cours d'italien, voyons, que tu séchais, (13.08.09)

Tom Jones aurait l'air fin dans un pantalon slim. (14.08.09) 

 

Les poignets dans mon dos qu'hier tu ligotas (15.08.09)

La boîte de bonbons qui donnait du sirop (16.08.09)

Ou les cours de la bourse comme une panna cotta (17.08.09)

Ont versé sur mes rêves ont glissé sur ma peau. (18.08.09)

 

Cultivant la bettrave du côté de Saint-Trop (19.08.09)

Tandis que je moonwalk toujours on the wild side (20.08.09)

Dégagé de sa vie pour une bouteille de Yop (21.08.09)

J'écoute une chanson de Damien Charly Wilde (22.08.09)

 

Le passé ivre mort nous raconte des fables (23.08.09)

Les ongles peinturlurés de fluo, bords de mer,(24.08.09)

Quand la journée d'après est inutilisable (25.08.09)

D'étoiles je n'ai encore goûté que la poussière (26.08.09)

 

Pour la répétition Jim n'a pas de costume (27.08.09)

Ils me prennent pour qui, tu crois, chez Ikéa, (28.08.09)

Chez cette fille le silence sera toujours posthume (29.08.09)

Et dans un an peut-être Jeff reviendra. (30.08.09)

 

Si l'été ne le change pas en chipolatas. (31.08.09)

 

 

Tentatives d'explications : 

 

01.08.09 Travaillé d'un jet sur mon texte pour le prochain numéro de la revue Bordel qui sortira en octobre. Ensuite j'ai allumé la télé pour voir ce qui s'y tramait, sur la une je n'ai pas beaucoup suivi secret story, mais il y avait cette fille qui s'appelle Emilie qui était en larmes, et je suis tombé sur sa tristesse contagieuse, en plus on ne peut pas intervenir, voter pour que les gens ne soient plus tristes, quelque chose du genre, ils ne sont pas encore à ce stade, alors je suis allé voir sur la 2 et c'était : les championnats du monde de natation, et là encore c'était très triste, avec ce champion qui vient de perdre son père et qui était resté dans la compétition pour son équipe, la grande humanité des autres nageurs de l'équipe, c'était vraiment très émouvant, alors c'est pour ça : Les piscines creusées de larmes. j'ai aussi pensé à l'idée que c'était la mode que les gens qui accèdent à la bourgeoisie fassent creuser des piscines dans leur jardin, mais que c'était peut-être aussi pour pouvoir pleurer tranquille, le soir tombé, avec le prétexte, la couverture, de faire trempette pour la famille et les voisins, alors j'ai imaginé comme ça la nuit des tas de gens qui ont des piscines

creusées dans leur jardin et qui en profitent pour aller pleurer en douce. Bon, et j'étais plutôt heureux de mon texte pour la revue, parce que ça fait un bout de temps que je comptais l'écrire, et je m'étais contenté jusqu'ici d'y penser, ce qui est soixante pour cent de l'écrire je dirais, et c'est venu d'un trait aujourd'hui. Alors comme je suis resté à la maison pour travailler, je voulais ensuite faire une promenade dans Paris déserté pour les vacances, et puis au final, je suis resté à révasser d'où le : Pas de promenade. 

 

02.08.09 La vendeuse la plus mignonne de la boulangerie d'Orgeval avait les yeux tout fatigués ce matin, les distractions du samedi soir devaient encore marteler dans sa tête, des points de rouge sous les yeux, le nez qui chatouille, ce genre de brumes. De la boulangerie à la baguette et de la baguette à la majorette, il n'y a qu'un pas, d'autant que cette fille ferait une majorette terrible, je serai le premier à y croire si je croyais aux choses militaires. Donc, c'est de ce matin que vient cette majorette ennuitée. Pour l'adulé Roussillon, j'ai appris ce matin également la mort du comédien Jean-Paul Roussillon qui était particulièrement exquis dans le dernier Desplechin : Conte de noël. Je ne sais jamais trop quoi penser du cinéma de Desplechin, il y a souvent des choses qui me paraissent absconses ou fastidieuses soudainement traversées de séquences qui m'enchantent au plus haut point. Je trouve que son cinéma est toujours formidable dans ce qu'il esquisse. Notamment dans Conte de noël qui n'était pas gagné pour moi car c'est un film sur la famille et étant fils unique et d'un tempérament plutôt sauvage ces histoires de fraterie et de famille me font souvent l'effet d'une planète étrangère pour laquelle je n'ai jamais eu ni de goût ni d'accès. Grand homme de théâtre, en tentant de me remémorrer les pièces ou les films dans lesquels j'aurais pu voir Jean-Paul Roussillon, j'ai aussi pensé qu'enfant, avec mes parents, je devais avoir entre huit et onze ans, nous avions passé plusieurs étés consécutifs à Collioure dans le Roussillon qui est une ville magnifique. 

 

03.08.09 Très compliqué de par sa structure de me remettre dans mon roman après lui avoir été infidèle pour d'autres textes (la revue ce week-end). Je voudrais travailler du mieux possible chaque jour, sans être dérangé. Grand calme d'Auteuil grâce aux vacances d'été, mais toujours un boucan pas possible chez les voisins du dessus qui parfois me pèse sur la tête, la nuque, m'anéantit. Donc quand je dis : Le ciel est agité, dans le poème au jour le jour de ce mois-ci, c'est au plafond que je pense. Dans cet été que je souhaiterais le plus studieux possible, mon ciel est un plafond. Bien sûr, je pourrais m'exiler quelques jours, pour terminer ce livre au frais, loin de Paris, au bord de la mer peut-être. C'est toujours une idée charmante qui passe et que je ne mets jamais à exécution. J'aurais vraiment voulu écrire Le coeur est agité et le quartier est calme, mais ce n'est pas possible, les pas des voisins au plafond sont trop oppressants. 

 

04.08.09 Une grosse guêpe, peut-être un bourdon, qui me tourne autour de façon belliqueuse pendant que j'attends les ascenseurs dans le Monoprix de Saint-Germain-en-Laye. Les ascenseurs qui mènent au parking. Comme les portes de deux compartiments s'ouvrent en même temps, je vais dans le premier, celui de gauche, m'assure que la bestiole me suit, appuie sur le bouton du sous-sol, puis à la dernière seconde me glisse à l'extérieur avant que les portes ne se referment. Ayant balladé le bourdon dans les tréfonds du magasin, je prends tranquillement l'ascenseur de droite que je dirige vers le premier niveau. A la piscine du Domaine de Marsinval, où j'allais enfant, il y avait chaque été une ou plusieurs guêpes noyées, qui venaient mourir, étourdies, comme étourdies de la mort même, se démembrer dans les coins en rigole du bassin. Des guêpes qui venaient se noyer et des filles qui venaient étendre leur serviette. Ma solidarité furieuse pour les êtres qui boivent la tasse devant la beauté qui éclabousse sans même devoir se jeter à l'eau. Oh quelle drôle de phrase. Il y avait bien une fille que j'aurais cherché à impressionner - mais par quel moyen, le plongeon, la longueur, l'attitude ? Dieu qu'il faut déployer d'imagination dans l'adolescence pour ne pas devoir se satisfaire de son propre ridicule. Et qu'est-ce qu'on espère des filles qui nous plaisent ? Un coin de serviette au paradis ? Pieds nus brûlants sur les dalles jusqu'à s'entraîner ensemble dans des profondeurs idéales ? On marche dans la rue sous un soleil écrasant, on voit quelqu'un qui nous plait, on se dit : "j'aimerais tellement marcher à ses côtés". Peu importe où ça mène. Juste marcher à ses côtés. Et puis, quand on est en âge ou en pouvoir de marcher aux côtés d'un être qui nous plait, la plupart du temps, on s'aperçoit que c'est pour prendre la mauvaise direction. 

 

05.08.09 Croisé dans la rue une fille aux yeux bleus dont la peau ressemblait à une préparation pour barbecue. Sans doute en transit entre deux séjours balnéaires. 

 

06.08.09 La forme labyrinthique du roman que j'écris m'épuise ou me réjouit, selon l'ardeur du jour. Si je garde à l'esprit que je dois aller au plus simple tout en mettant dans chaque phrase quelque chose qui stimule mon goût, j'y arriverai. 

Temps lourd pour avoir les idées fraîches. Bêtise et ralenti de l'été. Ils annonçaient des orages dans la nuit, de la foudre. Rien qu'un ciel mollasson et épuisant, et la fausse joie d'une averse trop courte en pleine nuit. 

 

07.08.09 Je voulais dire "la mise à nu", "la magie nue", et puis en pleine Espagne hier soir (Pour qui sonne le glas, de Sam Wood et d'après Hemingway sur le cable) j'ai pensé à la toile de Goya : La Maja nue.

La Maja desnuda figurait à l'exposition Picasso et les maîtres à l'automne dernier au Grand Palais. J'avais un vague souvenir du film de Sam Wood, je l'ai trouvé bien médiocre, mal vieilli, l'intrigue tient dans un mouchoir de poche et le reste de la boîte (de mouchoirs) passe dans des scènes de mélo interminables entre Ingrid Bergman et Gary Cooper. Pour ce qui est d'adapter Hemingway, et de le prolonger, je préfère le film vénéneux de Robert Siodmak, The killers avec la première apparition de Burt Lancaster à l'écran. 

Parmi des livres que je range, je retrouve Kiss Kiss de Roald Dahl, qui est un auteur que j'aime bien, même si je crois n'avoir jamais pris grand intérêt à ce recueil de nouvelles en particulier. Enfant, je garde un souvenir très fort d'une

édition de poche de Charlie et la chocolaterie. Pour terminer ma strophe j'avais commencé à écrire : Sur tes lèvres rien qu'une odeur de poudre. Et puis il était trop tentant de mettre traînée et de jouer sur le double sens du mot pour le faire miroiter avec l'idiote saupoudrée d'azur. 

 

08.08.09 Soirée au parc Montsouris avec A. pour la projection en plein air de Love in the afternoon, de Billy Wilder. Je pensais que c'était un film mineur mais bonne surprise, moins ridicule que Kiss me stupid. Hommage à saturation à Lubitsch avec lequel Wilder a débuté et notamment à Sérénade à trois, en reprenant deux ingrédients majeurs : Paris et Gary Cooper. Drôle comme dans ce film Gary Cooper vieillissant ressemble comme deux gouttes d'eau à Jacques Chirac. 

Avant la projection, on a eu droit à une demi-heure de Maurice Chevalier et c'était si crispant que j'aurais bien pris deux cuillères de strichnyne. A moins que je ne les réserve au type sans-gêne qui est venu installer sa nappe de pique-nique à trois centimètres de nous au dernier moment. Je me suis demandé comment Maurice Chevalier pouvait avoir tant de succès à l'époque - interprétation crispante, paroles niaiseuses - et aussi quel était l'équivalent de ce goût français, aujourd'hui, quand on allumait la radio. Concernant le poème j'aime bien le "Une cuillère est prise" changée en "éprise". Pour "Jusqu'à la mort", ce n'est pas que j'ai un goût particulièrement morbide, mais quitte à être épris de quelqu'un ou de quelque chose, si ça ne vas pas jusqu'à la mort, c'est assez mesquin, autant être simplement emballé. 

Dans la même journée j'ai appris que A. avait la même taille qu'Audrey Hepburn, et était né le même jour que Francis Scott Fitzgerald, ce que je trouve naturellement exquis. 

 

09.08.09 Soirée. Une fille qui pérore au téléphone en se regardant dans un miroir. Est-ce qu'elle dit : "Je te hais"...Non, quand même pas. 

 

10.08.09 Je me souviens de X, sa taille fine, ses jambes longues (que pourtant elle n'aimait pas - trop pâles, bosselées comme un jardin de Montsouris ?), et la robe qu'elle portait ce soir là : une robe noire qui se répandait comme une algue pressante, et que j'aurais bien renversé, fouillé de mes mains. 

 

11.08.09 Je me laisse plus volontiers dévoré par les moustiques, bercé par leur passage strident (moins crispant qu'une chanson de Maurice Chevalier) depuis que je sais que seules les femelles attaquent. 

 

12.08.09 Le système d'ouverture des portes de l'IDTGV, comme une canette qu'on décapsule. 

Bel accueil d'Adeline Courchet (à l'esprit vif et au choix sur en matière de livres), libraire à Sainte-Maxime. Après la dédicace dans la librairie "Lire entre les vignes" qui s'est poursuivie tard dans la soirée, et quelques bouteilles de vin rosé plus loin, nous avons dîné vers une heure du matin sur des gradins installés contre la plage. 

 

13.08.09 Le foutoir incompréhensible et rebutant de la "Librairie parisienne" de Saint-Raphaël. Est-ce pour se moquer qu'ils ont appelé ça : Librairie parisienne ?

Dans le train du retour, nos voisins, un jeune couple avec un enfant qui braille, sont accaparés par une ancienne camarade de lycée qui les a reconnu. Un genre de grosse fille expansive qui prend de la place dans la vie des autres - et dans un compartiment qui n'est pas le sien - sans aucun scrupule, elle va tenir la jambe du jeune couple et par la même occasion les nôtres, à Stéphane et à moi, pendant une bonne partie du trajet (plus de quatre heures), énumérant les anciens élèves qu'elle a revu par hasard dans les siècles qui se sont écoulés depuis le lycée, et agrémentant le parcours de chacun de réflexions qui lui sont propres du style : "Tiens tu sais pas qui j'ai revu par hasard ? François Machin. Il a un peu évolué parce qu'il y a dix ans il était vendeur chez Auchan !", "Et Béatrice Certaud, elle a fait plusieurs faux départs mais bon c'était pas une lumière à l'école"...

Le jeune couple étant de ces utopistes un peu fadasses (par conviction ou fatalité) qui se sont rencontrés au lycée et plus quittés depuis, la femme est là pour approuver ou contrecarrer tout ce qui sort de la bouche de son type, ainsi quand la grosse fille lui dit : "Tu te souviens quand on séchait le cours d'anglais ?", sa femme intervient avec une révolte benoite au bord des lèvres : "Mais non, c'est le cours d'italien que tu séchais !" 

Pas moyen de fuir, même à rebours.

Sur ces souvenirs émus, un dialogue de sourds finit par se développer parce que la femme du jeune couple essaye toujours de ramener la conversation sur leur chiard (qui braille sans arrêt) : "Oh, tu sais quoi ? Elle est prise à la crèche de Dauphine ! C'est vraiment génial ! Du coup on fait toutes les deux notre rentrée à Dauphine". Au bout d'une heure de trajet, Stéphane et moi en avons plein la tête. Après l'arrêt à Aix en Provence, la grosse fille disparaît pour aller se restaurer, mais elle reviendra une heure plus tard pour réenchaîner sur le même genre de conversation : "C'est marrant l'autre jour j'ai croisé Marie-Christine Loseloire qui a fait sa prépa à ..." ce qui provoquera un inextinguible fou-rire nerveux entre Stéphane et moi. 

La voix de la fille étant ce que j'ai entendu de plus désagréable depuis l'intégrale de Maurice Chevalier au Parc Montsouris, je tenterais plusieurs fois de fuir ces voisins gênants en écoutant dans mon i-pod à plein volume Dean Martin chanter : Ain't that a kick in the head". 

La voix, pour une fille, c'est vraiment primordial, et ce devrait être le critère le plus exigeant pour qui cherche à se caser, car si on compte les moments de présence et ceux de téléphone, peut-être que dans une vie on entend davantage la voix de la personne qu'on aime qu'on ne voit son corps près de nous - à moins d'avoir une prédilection pour les filles discrètes, peu volubiles, mystérieuses comme des chats. Quoiqu'il en soit, quand on me demande ce que je regarde en premier chez une femme, je réponds toujours : 

- La voix !" 

 

14.08.09 Entamé Hollywood de Charles Bukowski. Satirique et vraiment très bon. Le costard qu'il taille au chanteur Tom Jones. Il y a une galerie de portraits dans le milieu du cinéma assez croustillante et il s'en sort, évite les procès, en changeant juste assez les noms pour qu'ils soient absolument identifiables : Jean-Luc Godard devenant Jon-Luc Modard. Je devrais peut-être faire ça si je veux un jour sortir mon texte sur Mickey Rourke qui m'avait été commandé puis refusé par la revue Blast, même si la satyre est chez moi toujours transcendée par la mélancolie. Bref, chez Bukowski, le passage sur Tom Jones (qu'il appelle : Tab Jones) est vraiment décapant ! J'ai pensé à ça en allant terminer la résolution de la strophe, que Tom Jones avec son appareil génital toujours au premier plan, aurait l'air vraiment désopilant aujourd'hui en pleine mode des pantalons slim. 

 

15.08.09 Marrant d'aller à des soirées, de rencontrer des types qui ont l'air polis et policés, selon toute apparence, et d'apprendre par la suite qu'ils font subir telle horreur de comportement à telle ou telle fille, ou bien qu'ils aiment les attacher jusqu'au sang, les brûler avec des cigarettes, dépasser les limites prévues dans leurs échanges, tout un tas d'autres trucs déprimants, et au final c'est un vrai catalogue de vices qui se dissimule derrière un sourire ou une simple poignée de mains. 

Je n'ai jamais compris pourquoi des filles tombaient toujours sous le joug de types égocentriques et vicieux, destructeurs, néfastes. Peut-être parce qu'elles ont une image d'elles-mêmes qui est de travers, ou bien parce que c'est leur triste façon de vivre une histoire qui diffère d'une biscotte à beurrer pour deux. Peut-être qu'elles sont juste incapables de beurrer une biscotte - il est expliqué comment le faire dans Baisers volés de François (Truffaut).

 

16.08.09 Il y a un mois, parmi mes cadeaux d'anniversaire, A. m'a offert une réplique de la boîte de bonbons qui appartient à Setsuko dans le beau et bouleversant film d'animation : Le tombeau des lucioles, d'Isao Takahata. La boîte est aujourd'hui sur mon bureau et je n'ose l'ouvrir. J'imagine les beaux bonbons qu'elle contient, et je sais qu'ensuite, elle donnera le plus doux des sirops comme dans la superbe séquence du film.

 

17.08.09 X me parle pendant trois quarts d'heure de l'argent qu'il a perdu et gagné en boursicotant sur internet. Il y a des personnes comme X, qui voient tout en terme d'argent. Qu'elles en aient beaucoup ou soient fauchées, leur rapport au monde, à ce qu'il est possible de faire, aux femmes aussi, passe par l'argent. Que j'en ai eu un peu ou plus du tout, c'est quelque chose qui ne m'a jamais intéressé. Peut-être à tort, car j'aurais sans doute l'impression de mieux m'établir dans la vie, d'avoir plus de prises. Et aussi davantage de facilités pour les créations que j'aimerais entreprendre, les personnes que je pourrais aider. Mais le fait est là : Je travaille comme un dingue et ne gagne pas d'argent. Comme si je faisais un travail qui n'a pas de valeur immédiate. 

La panna cotta parce que cet été j'ai beaucoup aimé la glace : La laitière à la panna cotta aux fruits rouges, c'est celle que j'achète quand je vais faire des courses au Monoprix d'Auteuil. 

 

18.08.09 Sentiment que la rentrée de septembre va glisser sur moi. Reçu au final peu d'aides concrètes pour la musique. Je dois encore reconsidérer les choses, me battre sur les ruines des trois dernières années perdues en ce qui concerne ma volonté de faire un nouveau disque. Je vais essayer de revenir à l'attaque en septembre. Le livre qui m'a occupé tout l'été sera je l'espère écrit et derrière moi, même si dans l'idéal, tout serait continuellement à reprendre, à retravailler, puisque rien de ce qui se voudrait définitif chez moi n'arrive à me satisfaire totalement.

A l'exception de certains sentiments sur les gens qui viennent de la façon dont ils se seront comportés. Parfois quelque action ou non action de la part de quelqu'un qui vivait à vos côtés, dans une force prometteuse et vivante, en mouvements, achève d'en faire une œuvre finie, une pièce d'un musée où on ne mettra plus les pieds. 

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Je reviendrai là-dessus. Ce ne sont jamais les occasions qui manquent. 

 

19.08.09 X qui revient de Saint-Tropez. Jolie mais son bronzage me rappelle une variété de betterave qu'on cultive du côté de Gibecq et de Ath (Belgique, dans le hainault occidental) 

 

20.08.09 C'est l'été où le tube de l'été se sera appelé : Michaël Jackson. Ce qui n'est pas si mal. 

T. qui a onze ans me demande si je sais danser le moonwalk. Je réponds non, trop dangereux de faire des pas en arrière, et puis j'aurais dansé le moonwalk on the wild side.

 

21.08.09 Dans le métro un type, entre trente et quarante ans, qui boit une bouteille de Yop, tristement. 

J'imagine l'histoire suivante. Se disputant avec son amoureuse, celle-ci comme argument ultime de rupture ouvre la porte du réfrigérateur, et désigne la bouteille de Yop, lui hurlant au visage : Je ne peux pas vivre avec un ado ! Je suis une adulte maintenant. Je ne peux pas continuer à vivre avec un ado qui boit du Yop. " Elle le vire du domicile. Le type, avant de partir, l'âme dans les chaussettes la vie dans l'épuisette, se dirige tranquillement vers le frigo et embarque son Yop. On le retrouve dans l'ambiance indifférente et sale du métro parisien, en train de boire une gorgée de sa bouteille blanche. Bon, ça ferait une sacrée publicité, avant le Journal de 20h. Mais je ne crois pas que les publicitaires approuvent un scénario d'une telle mélancolie. Pas très fun pour les ventes.

 

22.08.09 Damien m'a envoyé l'EP qu'il a enregistré cet été. Quatre jolies et envoûtantes compositions, qui tiennent de la ballade mélancolique et du jeu vidéo, magnifiées par son travail en studio. 

 

23.08.09 Ce n'est pas le présent qui me fait dire ton nom, c'est le passé qui chante parce qu'il est ivre mort. 

Une phrase ou à peu près que j'ai eu en tête au réveil, et qui faute de place convaincante dans mon roman, vient se poser ici comme un papillon, en sécurité, dans le Journal, où il n'y a pas de risque pour le moment que quelqu'un referme les pages d'un coup trop sec.

 

24.08.09 En terrasse à Trouville, face à la mer. A une table de moi, viennent s'asseoir une mère et sa fille. La fille doit avoir dans les 25, 30 ans. Très maigre, grande, tout le temps à tirer sur des cigarettes américaines, en une petite heure elle vide une bonne partie du paquet. Parfois elle parle à sa mère, elles regardent ensemble des photos qu'elles ont prises sur l'écran d'un appareil numérique, à d'autres moments elle plonge en elle-même, dans la musique insoupçonnable de son i-pod. Une peau ambrée et très fine, comme du papier, des ongles peinturlurés en orange fluo, un bracelet assorti autour de son fin poignet.  Une surface plane et désirable happe le regard, entre la grâce de son cou et la naissance des seins. Tout un jeu de colliers allant du convenu sigle love and peace jusqu'à la croix de Jésus. Un bandeau blanc qui retient ses longs cheveux en plusieurs strates et des boucles d'oreilles comme des grappes de raisins en aluminium. Elle se prélasse, hagarde ou fière, se repose de je ne sais quels tourments ou incertitudes du destin. Elle réajuste son gilet gris, très fin, sur son haut blanc détendu comme une voile. Je connais ce genre précis de beauté, il me bouleverse. Je suis toujours surpris de la manière dont les êtres rentrent dans des cases de silhouette, de style, d'attitude, et ce qui charme, peut-être, en dehors d'une prédilection pour tel ou tel style de silhouette et d'attitude, est la manière obstinée et fugace avec laquelle on essaye d'échapper à sa case. 

Pour la musique, je pense à Basile Green, mon personnage du garçon qui dessinait des soleils noirs, au début du roman il y a une scène où dans le métro Basile tombe sur une toute jeune femme qui semble absorbée dans la contemplation de la musique qu'elle écoute, et Basile croit encore que si elle écoute sa musique à lui, ça fait une différence. Bref. Dans tout ce passage, il y a une phrase abominablement longue, qui m'empêche (je le sais) d'être lu et reconnu par mes contemporains, mais que j'ai bien aimé faire et qui est la suivante : " Elle donne tellement le sentiment de pénétrer corps et âme cette chanson, que Basile souhaite maintenant que ce soit sa musique qu’elle écoute, que ce soit pour sa musique qu’elle s’engage avec tant de naturel et de nécessité, comme personne n’est capable de s’engager dans la vie, s’engager sans ces tristes lois de l’existence, avec ces foutues intermittences, ces foutues nouvelles attractions, et à chaque fois qu’il est sur le point de tendre la main pour attraper le fil du casque, et connaître si oui ou non il s’agit de sa musique, la seconde partie de son rêve l’entraîne sur une plage de l’atlantique bordée d’une fine pellicule de neige, la gamine a disparue, adieu frêle printemps, il tient une paire de ciseaux dans l’une de ses mains, et dans l’autre, une partie de fil coupé d’un jeu de Jokari." (C'est dans Le garçon qui dessinait des soleils noirs, page 14.)

 

25.08.09 Rentré de Trouville fatigué et enrhumé. Une journée perdue comme aujourd'hui (où je me sens trop patraque pour être efficace) me pèse sur les nerfs. Je voudrais bien terminer mon roman avant la rentrée. Avant de replonger dans les sollicitations concernant les textes de chansons. Avant de trouver de la détermination et de la force pour la musique, je parle ici du disque que je voudrais faire et qui concerne une idée personnelle qui dépasse un simple choix de chansons plus ou moins acceptables.

Douceurs et réconforts infinis de la vie avec A. le soir. Parfois l'écart de générations m'horrifie et m'amuse quand je m'aperçois qu'elle n'a aucune idée de qui est Patrick Sabatier, ou que j'apprends que le groupe Téléphones'est séparé avant sa naissance. 

J'essaye de travailler le plus possible sur mon roman et c'est une performance dans cet immeuble où la plupart des voisins sont oublieux d'eux-mêmes et bruyants, où les travaux se succèdent sans interruption soit chez l'un, soit chez l'autre. Les nouveaux voisins du-dessus sont infernaux, certains soirs ce ne sont que bruits de pas au-dessus de ma tête.

Tombé sur une phrase de Philip Roth rapportée par Henry Bauchau dans son Journal : "Un livre se commence dans une nuée de doutes" ; oui, serais-je tenté d'ajouter, et se termine dans un brouillard de désarroi. 

 

26.08.09 Deux directions dans cette façon d'employer "encore" : à nouveau, et, jamais auparavant. Cette ambiguïté me plait. L'histoire de la poussière c'est une idée qui m'est venue en croisant X l'autre jour dans la rue. Elle ne m'a pas vu, et comme ça fait bien quelques mois que nous ne nous fréquentons plus, je n'ai pas cherché à lui faire savoir que j'étais dans le coin. Je l'ai laissée passer. Mais j'ai pensé peut-être que les retrouvailles au hasard n'étaient qu'une façon de dépoussiérer la sensation que l'on garde de certaines personnes. Le problème avec moi c'est que la poussière glisse sur la déception d'ivoire que m'a laissé une telle ou un autre. C'est comme ça. 

 

27.08.09 Musique. Plutôt bonne répétition, assez encourageante. Mathieu, qui était présent, a trouvé une partie musicale très intéressante pour une chanson en cours. 

J'étais assommé par un refroidissement cuisant, si je puis dire, mais j'ai quand même tenu les trois heures de répète car il faut que je me rende compte des possibilités - et y trouve de l'élan et du courage si elles existent - que nous avons de nous battre pour réaliser un disque encore plus vaillant que Comme elle se donne qui remonte maintenant à 2005.

Vu un reportage à la télé sur les derniers jours de Jim Morrison. J'étais très enthousiaste devant les images où on le voit se pointer sur le tournage de Peau d'ane, de Jacques Demy. Et dans un plan subreptice, de voir le beau visage intelligent et poétique de François Truffaut, également parmi les amis en visite ce jour-là, m'a fait bondir de joie. Je ne suis pas un grand amateur de Jim Morrison mais savoir qu'il est venu à la cool sur le tournage de Peau d'ane ajoute à me le rendre sympathique. Et chaque fois que je vois le visage ou que j'entends la voix de François Truffaut, cela me donne du courage. 

Conversation avec Pierre (Charvet) vers une heure du matin, qui m'appelle comme à son habitude quand il sillonne de nuit la capitale en voiture. Comme de coutume, nous parlons de Vladimir Nabokov, et plus précisément aujourd'hui de Speak, memory, l'autobiographie des jeunes années. Pierre a écrit toute une partition musicale pour orchestre baptisée Ardis (voici un lien vers son site), et de mon côté j'ai fait Fat lolita.  Il m'apprend aussi que le fils de Nabokov a enfin accepté, après d'âpres tourments, la publication du dernier manuscrit de son père (Ce dernier avait insisté pour que tout soit brûlé. Burn, memory). Ensuite, grand écart audacieux, nous parlons de Secret story (je ne marque le site) et des infâmes FX et Bruno que, tels qu'ils nous sont présentés, nous détestons tous deux. 

 

28.08.09 Je ne comprends pas pourquoi ils mettent un catalogue Ikéa dans ma boîte aux lettres. Ils croient quoi, que j'ai un 120 mètres carrés ? 

 

29.08.09 X qui m'épuise au téléphone avec ses vacances, son retour et ses soirées en perspective, alors que j'essaie de fuir toute intrusion extérieure pour boucler mon roman, et donc me voilà en colère contre moi-même de l'avoir prise au téléphone, et en colère contre elle qui n'est pas en mesure de comprendre qu'elle me fatigue. Et puis il y a des gens qui ne savent pas aller à l'essentiel, qui emploient tout un jeu de détours, et répètent huit fois la même chose, juste pour qu'on les rassure au final. Donc, chez X, oui, je me dis que le silence sera toujours posthume. 

 

30.08.09 Le Jeff ne fait pas référence à la chanson de Brel - je n'ai jamais été un amateur de Brel, je crois que nous avons des comportements et des univers qui sont dans des directions différentes, pour les chansons que je trouve trop emphatiques à mon goût, mais aussi parce que je me souviens avoir tenté de regarder toute une soirée qui lui était consacrée sur Arte et dès qu'il était interviewé et disais quelque chose, je pensais le contraire. Pourtant, je crois que j'aime beaucoup son dernier album : Les marquises, et l'histoire de l'ardeur de son enregistrement. 

Le Jeff auquel je fais référence est Jeff Hardy, l'un de mes catcheurs américains préférés. Le catch m'intéresse beaucoup parce qu'il me rappelle ma prime adolescence, ça passait sur Canal + et je me souviens que j'adorais ces combats de super-héros et que mon père me les enregistrais quand je partais en vacances, en colos ou dans des familles d'accueil aux États-Unis, et quand je rentrais en août à la maison j'avais plusieurs cassettes de catch à regarder. 

Et puis je crois que le milieu de la musique actuelle, sans le savoir, ressemble au monde du catch américain. 

Jeff Hardy, appelé L'énigme charismatique, est l'un de mes préférés à la WWE, et dernièrement il a décidé de partir en pleine gloire ; de faire la nique à tout le monde (bien que ce ne soit jamais définitif et qu'on ait vu plus d'un catcheur revenir quelques mois après avoir claqué la porte). Le match, lors de son dernier pay-per view, était d'une intensité incroyable, j'étais comme un enfant devant ce match, comme lorsque j'étais bien content de rentrer des États-Unis pour regarder les cassettes que mon papa m'avait enregistrées. Ce que je préfère d'ailleurs dans les voyages, c'est rentrer. Et là où j'étais comme un enfant, c'est découvrant la mise en scène géniale du retour de l'Undertaker qui s'est substitué à Jeff Hardy pour faire sa fête au méchant CM Punk en fin de match. L'Undertaker était absent depuis plusieurs mois, en raison d'une blessure, (Pffff, si j'avais dû être absent pour des blessures, je n'aurais pas tenu + de onze ans de Journal derrière moi avec une belle régularité) et à la fin du match entre Jeff et CM Punk les scénaristes ont transcendé son retour en faisant apparaître le dead man de manière totalement géniale (on peut voir ça ici). C'est d'autant plus génial qu'il y a un discours caché derrière. Vince Mac Mahon, le patron de la WWE qui n'a jamais apprécié d'avoir pour champion un voltigeur versatile et qui préfère les hommes forts et solides, tent à proclamer derrière cette mise en scène : Jeff peut faire un caprice en nous quittant, la compagnie n'en sera que peu affectée puisque les gens vont applaudir encore plus fort pour la valeur sûre qu'est l'Undertaker. C'est vraiment très malin, très bien pensé (à court terme cependant) et très fort de la part de Vinnie MacMahon. 

J''adore l'Undertaker mais je suis quand même bien triste du départ de Jeff. je comprends aussi qu'il puisse être amer, ils ont mis tellement de temps à l'assurer en tant que champion, je ne sais pas s'ils avaient envie d'en faire un grand champion, ce qu'il méritait. Bref, je trouve beaucoup de thématiques et de réflexions qui m'intéressent dans le catch américain, ajouté à cela que j'ai en moi une forme de sentiment de la justice qui jubile quand les héros mettent de bonnes trempes aux salopards (qui malheureusement ne se cantonnent pas aux cordes bien tendues d'un ring.) 

 

31.08.09 Bien travaillé sur mon roman, du coup trop excité pour aller dormir. Et encore beaucoup de travail qui m'attend cette semaine, mais j'arrive petit à petit à quelque chose de valable. J'ai aussi très envie que l'automne se pointe. J'adore l'automne et l'hiver, les hommes peuvent s'habiller décemment, sans ressembler à des chipolatas en t-shirt. 

Bon, et puis je pense à Richard Brautigan qui voulait finir un roman sur le mot mayonnaise, moi je finis mon poème et le mois sur le mot : "Chipolatas"

Généralement ce sont les premières phrases des livres qu'on aime soigner, à raison d'ailleurs parce que cela peut motiver l'intérêt d'un lecteur. Néanmoins, en ce qui me concerne, je redouble de soin pour les dernières phrases, parce que c'est comme un au-revoir, on quitte la personne qui s'est attachée à nous, qui a eu le courage, la politesse, ou au mieux le plaisir d'aller jusqu'au bout, par une petite phrase qui doit être belle et terrible d'attention. C'est pour ça que j'ai essayé de faire des dernières phrases en formes de roses grimpantes dans mes livres. Par exemple j'ai adoré finir Le garçon qui dessinait des soleils noirs sur : "Il se dit que s'il retrouvait ce livre plus tard, cela lui rappelerait de bons souvenirs, malgré tout." Quant au Journal fictif d'Andy Warhol il se termine sur : L'avenir était maussade mais pour l'heure, un paradis de milk-shakes les attendait." Ce qui m'a semblé un bon début pour une fin.  

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